SPORT À JEUN, BRÛLE GRAISSE & PERFORMANCE ?
De plus en plus répandue chez les sportifs désireux de perdre du poids, le sport à jeun est une pratique qui a su séduire amateurs comme professionnels.
Cependant, celle-ci reste encore controversée de part ses dangers. Pourtant, les résultats parlent pour eux. Le sport à jeun est totalement viable à condition de le pratiquer correctement.
Bon ou mauvais pour la santé ? Le sport à jeun fait toujours débat chez les professionnels du sport et de la santé. Des inquiétudes qui ne sont pas liées à la pratique elle-même, mais plutôt à la façon de l'effectuer.
En effet, si vous vous lancez du jour au lendemain dans une séance d’entraînement à jeun sans vous être préparé correctement, les risques sont nombreux : hypoglycémie, blessures musculaires, forte déshydratation, épuisement prématuré...
Il est donc très important de suivre à lettre les indications d'un coach sportif et d'un nutritionniste avant de vous lancer.
Voici quelques conseils pour vous permettre de comprendre et maîtriser cette méthode d'entraînement en partant du principe que la séance à jeun est effectuée le matin, car c'est majoritairement le cas.
Faire des réserves
Pour pratiquer un entraînement à jeun le matin, les repas de la veille vont jouer ici un rôle primordial. Notamment le repas du soir, comme l'explique Cécile Capdeville, nutritionniste de l'équipe de France de triathlon entre 2017 et 2021 et qui intervient ponctuellement auprès des fédérations françaises de triathlon et d'athlétisme : « Il faut faire attention à ses apports de la veille, notamment sur les glucides lents dits glucides complexes. La plupart du temps, lors d'un régime hypocalorique et dans l'optique de la perte de masse grasse, on supprime les glucides le soir. Dans le cadre d'un entraînement à jeun, il faut avoir des réserves énergétiques, donc on rajoute des glucides qui viennent s'ajouter aux protéines et aux légumes. Sans ces glucides, le corps n'a pas l'énergie nécessaire pour affronter l'entraînement à jeun car le glycogène est le carburant du muscle. »
Hors de question donc de se lancer dans une séance à jeun après avoir ingéré une petite salade estivale la veille au soir. Vous risqueriez de tourner de l’œil.
En cas d'entraînement à jeun l'après-midi ou le soir, il faudra bien évidemment adapter les repas qui précèdent la séance, c'est à dire « avoir un apport de glucides complexes à index glycémique plutôt bas (pâtes complètes, riz basmati, pomme de terre en morceaux et non pas en purée). A cela, on ajoute un apport protéique maigre avec de la viande blanche ou du poisson (pas de viande rouge) et un apport de végétaux (légumes) qui viennent alcaliniser l'organisme et équilibrer le rapport acido-basique. Ce repas doit être réalisé au moins quatre heures avant l'entraînement de fin de journée. Et toujours bien boire entre la fin du repas et l'effort, régulièrement, par petites quantités. »
L'eau, votre meilleur ami
S'il est interdit de manger avant de s'élancer le ventre vide, l'hydratation est, elle, très importante. C'est un point qu'il ne faut surtout pas négliger car la déshydratation renforce le risque de blessures tendineuses (élongation, tendinites, claquage...). « Le matin, il faut alimenter la machine avec une hydratation optimale c’est-à-dire boire régulièrement des petites petites quantités entre le réveil et l'effort. Ça peut être de l'eau, du thé ou même du café mais sans sucre. Si on ajoute du sucre, on n'est plus à jeun » précise Cécile Capdeville. L'hydratation doit donc devenir votre premier réflexe au réveil.
Pour contrôler son hydratation, l'urine peut s'avérer être un bon indicateur. Faites donc bien attention après votre passage aux toilettes le matin. Plus la couleur tend vers le transparent, plus vous êtes en hydratation optimale. En revanche, plus cela tend vers le jaune foncé, plus votre corps manque d'eau. N'hésitez donc pas à bien vous hydrater la veille avant de vous coucher pour éviter une trop forte déshydratation le lendemain. Le fameux pisse-mémé du soir pourrait bien vous être de plus en plus utile.
Intensité progressive
Ne sous-estimez pas le danger et ne vous croyez pas un surhomme avant de vous lancer dans une séance à jeun. C'est un fonctionnement totalement différent, une autre approche, et une habitude à l'opposé de ce dont le corps humain est habitué. Celui-ci est conçu pour faire des réserves et non pour les dilapider.
Une mise en route progressive et adaptée à vote niveau est donc nécessaire. Louison Launay, coach sportif et préparateur physique en Guyane vous donne son conseil si vous êtes novice en la matière et désireux de fonctionner ainsi régulièrement:
« Il faut un bon apport glucidique la veille au soir puis bien s'hydrater le matin avant de partir. Pendant l'effort, commencer avec une gourde d'eau avec un très léger goût sucré pour aider le corps à l'effort et progressivement se séparer de cette gourde. Ensuite, une augmentation progressive de la durée d'effort. Pour quelqu'un habitué à courir une heure, on peut commencer par un effort à jeun d'une demi-heure. Puis on passera progressivement à 40 minutes, puis 45 minutes, jusqu'à une heure complète. »
Il également préférable de commencer par une ou deux séances par semaine et de monter jusqu'à trois ou quatre maximum. Si vous n'avez pas pratiqué depuis longtemps, il serait même préférable de ne pas commencer directement par des séances à jeun. Donnez-vous du temps pour l'intégrer à votre routine sportive.
Vous l'aurez compris, il vaut mieux privilégier un effort modéré, à 50-60% de sa capacité maximale, pour un effort le ventre vide. Ne vous voyez pas trop fort et ne tentez pas une séance de fractionné à jeun, cela sera beaucoup plus utile et productif sur du fond. Mais, selon Louison Launay, cela ne veut pas dire que vous ne pourrez pas augmenter en intensité : « Généralement on conseille des efforts d'intensité faible à modéré. Sauf qu'aujourd'hui on se rend compte qu'on peut aussi pratiquer une activité à haute intensité à jeun. Il n'y pas de contre-indication. Quand bien même on ait des réserves un peu plus faible, l'organisme est cent pour cent disponible pour mettre en place de l'énergie nécessaire à l'effort même à haute intensité. Il faut juste y aller de manière progressive. » De façon crescendo, voilà la clé. Partir trop fort et trop vite à jeun et c'est la blessure musculaire assurée.
Par la suite, avec l'expérience, vous apprendrez à connaître vos limites, à faire vos réserves de glucides et à gérer celles-ci pour vous permettre de partir à jeun.
L'importance du sommeil
Si vous souhaitez que votre entraînement soit productif, vous devez avoir un bon niveau de sommeil et savoir si vous êtes plutôt du matin ou du soir.
« C'est surtout votre état d'éveil qui va conditionner le moment où vous allez effectuer votre activité. Les résultats ne sont pas les mêmes si vous courez le matin alors que vous êtes du soir. D'où l'importance d'avoir une routine de sommeil optimale. On adapte ensuite l'échauffement en fonction du niveau d'éveil et de l'intensité d'effort. »
Pour s'affiner et aller toujours plus loin
Les bénéfices de la pratique du sport à jeun sont nombreux. D'abord, et c'est souvent l'argument numéro un de ceux qui se lancent, la perte plus rapide de poids. « Cela permet d'aller plus chercher les réserves lipidiques et donc de brûler les graisses pour optimiser la perte de poids. Si on fait du sport juste après avoir mangé on va plus brûler du sucre que des graisses » souligne Cécile Capdevillle.
Ensuite, cela évite les problèmes liés à la digestion. Courir après avoir manger peut créer des ballonnements, des brûlures d'estomac, des acidités gastriques chez les personnes les plus fragiles. Quand on part à jeun, il n'y a pas de processus de digestion en cours et les soucis cités précédemment n'existent donc plus.
Enfin, dans la quête de performance, apprendre à puiser dans ses réserves peut aider un sportif à repousser ses limites. « On parle également de gain d'énergie, ajoute Cécile Capdeville. Quand on entraîne la machine de cette façon, on arrive à sortir de sa zone de confort. Ça entraîne la machine à aller puiser dans ses réserves, ça aide notamment ceux qui font des longues distances à pouvoir forcer quand les réserves se vident. » Des propos prolongés par Louison Launay : « Sur l'endurance, ça nous permet de simuler ce qu'on peut ressentir sur la fin d'une épreuve longue distance type marathon. Ça permet de ne pas être dans un état de détresse le jour J en compétition quand le corps arrive à l'épuisement. »
Pratique pas forcément universelle
L’entraînement à jeun est parfaitement adapté pour le running mais pas forcément autant pour la natation et le cyclisme qui demandent des efforts complètement différents de la course.
« Chez les nageurs, la digestion est plus complexe du fait de la position allongée et puis l'environnement aquatique tend à brûler bien plus de calories du fait d'une thermorégulation bien plus compliquée dans l'eau avec des pertes de chaleur très importantes même dans une eau à 22 degrés. Sans apport énergétique, le nageur ne pourra pas lutter dans l'effort et dans la régulation de sa température » explique Louison Launay.
Si vous êtes nageur ou cycliste, un entraînement à jeun est tout à fait possible. Tout est une question de dosage : on pourra plus facilement fournir un effort à jeun sur la durée à vélo qu'à la nage car la natation brûle bien plus de calories. Pour être sûr de ne pas faire n'importe quoi, n'hésitez pas à en parler avec un coach sportif et un nutritionniste pour vous aider à préparer vos séances. Le corps humain réserve bien des surprises, il ne faut jamais dire jamais.
Au-delà des entraînements, n'envisagez pas de faire des séances de musculation à jeun car cela aura un effet contre-productif. Certes cela vous aidera à perdre du poids, en revanche vous ne gagnerez pas en muscles car ceux-ci ont besoin de protéines pour se développer. Avec quelques protéines ingérés la veille au soir, vos stocks seront trop limités pour une séance de musculation qui demande de vraies réserves complètes.
Pour résumer, le sport à jeun est une activité complètement viable à partir du moment où elle est faite de la bonne façon. Alimentation adaptée la veille, hydratation complète avant l'effort et séance adaptée à son niveau sont les clés de la réussite de cette méthode.